Historique du fanzine Crucify
Il était une fois… un fanzine né en octobre 2001, après plusieurs mois de gestation dans la campagne charentaise, près de Rochefort-sur-Mer. À la base : une bande de passionnés, emmenée par Didizuka (Cindy Bertet), alors lycéenne en terminale. Avec elle : sa sœur KoumKoum, et les amis Gaga et Pedro. Ensemble, ils créent même une mascotte : Beef, une vache folle ailée, d’abord mignonne et animale, puis dotée d’un corps féminin… Meuhhh !
Le nom Crucify vient d’une chanson d’X-Japan, « Crucify My Love ». Il prêtera à confusion à de nombreuses reprises — on prendra l’équipe pour une secte ou on écorchera le nom en « Crucifix »… mais tant pis, il était là pour rester.

Dès ses débuts, le fanzine se veut un ovni : des styles graphiques variés, parfois surprenants ; un espace pour donner leur chance à de jeunes dessinateurs ; une envie de parler de mangas, mais sans oublier la BD sous toutes ses formes. Bref, un drôle de zine qui évolue au fil du temps, pour le plaisir de ses créateurs comme de ses lecteurs.
L’objet
Les premiers numéros sont de véritables petits bijoux faits maison : couverture en plastique transparent laissant apparaître l’illustration en dessous, dos carré collé, et couverture arrière en carton rigide. Pour le numéro 6, la Beef Team pousse même le raffinement jusqu’à une jaquette façon manga japonais. Pourquoi ? Parce qu’on leur reprochait de ne pas avoir de jaquette comme les « vrais » mangas. Ils l’ont fait. Ils l’ont payé — au propre comme au figuré — car la fabrication d’un tel objet a littéralement plombé le budget. Résultat : à partir du numéro 8, retour à une solution plus sobre et économique avec des exemplaires simplement agrafés.

L’aventure
À cette époque (2001–2002), rien n’était simple : internet restait un luxe, les impressions coûtaient cher, et exposer à Japan Expo relevait de la mission impossible. La petite équipe s’organise donc à l’ancienne : courriers, photocopieuses, déplacements en train ou à vélo pour démarcher sponsors, imprimeurs, dessinateurs et rédacteurs. Des petites annonces fleurissent dans les communes alentour, dans le magazine spécialisé Animeland, et même dans le quotidien régional Sud-Ouest. Avec l’aide de la mission locale et de structures locales comme le Centre d’Animation Polyvalent (CAP) de Tonnay-Charente, deux membres cosplayés en personnages de Final Fantasy VII réussissent à représenter le zine au Cartoonist Paris 14 (2002), avec fanzines, porte-clés en perles (signés KoumKoum), cartes et posters en vente.

Une exposition est même organisée dans le local Jeunes de Tonnay-Charente en 2002, avec originaux et ventes. Des dépôts de fanzines ont lieu à La Rochelle, dans une boutique de mangas aujourd’hui disparue (emportant au passage les exemplaires invendus…). À la BNF, une demande d’ISSN est déposée (ISSN 1629‑9744, dépôt légal n° 885), mais le zine est malencontreusement classé dans les « revues pour enfants », et malgré des courriers, aucune correction n’est obtenue, provoquant frustration et déception.
Malgré ces obstacles, la Beef Team persiste. Même après le départ de l’équipe initiale, Didizuka continue à financer sur ses fonds personnels impressions, goodies (papier photo, plastification, découpe…) et à tenir un stand lors d’un salon en 2006. Résultat : des cartons de fanzines invendus toujours sur les bras. Le dernier numéro papier sort en 2007.
Transition numérique
Pour des raisons économiques et logistiques, Crucify devient ensuite un webzine gratuit, dont le dernier numéro paraît en 2012. Un forum est mis en place pour recueillir et organiser les projets. C’est l’occasion d’introduire enfin la couleur, interdite jusque-là pour des raisons de coûts. La refonte en webzine voit Ryoko_Shima créer un nouveau logo.
Anecdotes techniques

Les premières maquettes étaient bricolées sur Publisher, puis imprimées face par face pour être ensuite déposées chez un reprographe. Les maquettes étaient aussi copiées sur disquettes ou CD‑RW. Les jaquettes ont été pliées à la main. Chaque caisse remplie de fanzines a été récupéré à vélo, ou à pied, car personne n'avait son permis de conduire. Tout se faisait maison, dans la douleur, mais avec la passion.
Précision : Crucify n’a jamais été une association. Peut-être Didizuka avait-elle vu trop grand, car elle se retrouve souvent seule à la barre de ce navire fou, avec des stocks de numéros invendus et des factures sur les bras. La transition vers le numérique permet au projet de survivre quelques années de plus, et même de se réinventer.